Chapitre XII : Le Destin en marche

En apercevant pour la première fois le navire, je fus saisi sur place.

Bien sûr j’avais vu des bateaux auparavant, de petites embarcations qui cabotaient tout près du rivage, restant le long de la côte. Mais celui-ci était très haut, apte à traverser les océans qui commençaient seulement à redevenir cléments, après un âge où la démence des flots rendait tout voyage impossible. Aucun vaisseau comme celui-ci ne se serait jamais aventuré sur les mers depuis le Grand Fracassement. En voir un aujourd’hui fit bondir mon cœur dans ma poitrine. Bien que je ne me sois jamais éloigné des proches alentours de mon village, j’avais connaissance des Légendes de la Grande Guerre, du Fracassement et de laDispersion. Les sages nous avaient appris cet âge sombre, et contaient un monde d’autrefois, d’avant le cataclysme, qui était très différent de celui que nous connaissions. Certains étaient effrayés des dangers qui pouvaient exister loin de notre village, mais pas moi.

J’avais toujours ressenti un appel, comme si quelque chose m’attendait quelque part, là-bas. J’avais grandi sans penser à l’avenir et à ce que j’allais y trouver, mais je ne me m’étais jamais débarrassé de l’idée que je ne vivrai pas toute ma vie dans ce petit bourg côtier. Quand le navire aborda, et que j’entendis l’équipage chercher des volontaires, je compris que c’était là ma chance.

Les adieux furent difficiles. Je ne savais pas si je reverrai un jour mes amis, mais je devais partir. J’ai rejoins l’équipage du navire marchand, rencontrai d’autres recrues, qui comme moi choisissaient une nouvelle vie. Je vis Geredo, un gnome si malin, Valik un fort et agile kerran, Anikra et Balen un couple de demi-elfes. Bien que je ne songeais pas à vivre sur ce navire, toutes ces rencontres agirent sur moi comme une porte qui s’ouvrait, comme une immense excitation.

Mais je ne me doutais pas que les événements allaient arriver si vite.

Les pirates attaquèrent à l’improviste. Tout se passa si rapidement que les événements restent confus dans ma tête. Une courte bataille se déroula, mais nous étions mal préparés face à ces pirates aguerris. Certains, comme Balen, furent précipités par-dessus bord. Je suis tombé ou heurtai le ponton, je ne me souviens plus. Mon dernier souvenir fut d’avoir agrippé la main d’Anikra et de m’être hissé sur un morceau de bois pendant que les pirates s’éloignaient sur les flots. L’obscurité m’enveloppa et je sombrai dans l’inconscience.

En me réveillant, je me retrouvai sur un navire encore plus imposant, dont je ne reconnus pas les symboles peints sur les voiles. Je me relevai lentement et regardai l’horizon.

Je me rendis soudain compte qu’un monde immense s’ouvrait devant moi, là, au-delà des vagues, et que ce monde n’appartenait ni aux dieux ni aux dragons d’autrefois. Il m’appartenait, et appartenait à tous ceux qui rêvaient de découvrir ces continents inconnus. C’était notre Age, un Age de destins et je savais que je foulerai un monde plus grand que dans mes rêves les plus audacieux.